mercredi 21 octobre 2015

Larva-n’Ath-Douala : Couleurs, saveurs et décors

 Mouloud Halit

Larva-n’Ath-Douala : Couleurs, saveurs et décors

Thème : Souk-Larva


Larva n’Ath-Douala est notre commune parmi les communes de Haute-Kabylie, en Grande-Kabylie. Avant d’être une Daïra, longtemps durant elle demeura une commune dont son chef-lieu de commune est : Béni-Douala-Centre. Plus d’une vingtaine de villages sont rattachés à sa circonscription. Et le chef-lieu de commune - telle une cerise au milieu du gâteau, qui est à peu près au centre. Ces villages parsemés en éparses dont aux flancs et aux sommets de collines et de vallons, sont assimilables à de petites républiques. De petites républiques quasi autonomes grâce à leurs modes concluants d’organisation. Cependant, sous ce toit commun qui les coiffe, en l’occurrence, le chef-lieu de commune. C'est-à-dire : Béni-Douala-Centre, avec ses établissements, ses institutions, ses offices, et d’autres biens publics. Autant dire, un point focal indispensable de par les services et les prestations qu’il assure au quotidien. Dans l’intérêt général des villages et de leurs habitants. Et ce, auprès de la Poste, de la Gendarmerie, de la Mairie, du Dispensaire médical, du Collège d’enseignement, du Marché public, etc.
Ceci dit, notre présent article sera consacré à l’un de ces biens publics, tout entièrement. Nommément ce dernier cité qu’est le Marché public, connu sous son nom dialectal : Souk-Larva.
Les villages en sont fidèles aux ouvertures hebdomadaires de ce seul et unique marché local. Chaque mercredi, Souk-Larva s’anime en un mouvement amplement conséquent. L’affluence massive venant de toutes parts se concentre en l’entrée, dès les lueurs du jour pointant au levant. Toute une gente masculine dont les marchands (Tsejjar) et les clients (Imsawqen) en sont attirés comme fait l’aimant pour le fer. Où chacun est sensé obtenir là la satisfaction souhaitée, au but ou à la motivation de son déplacement. Mais avant de parler de cela, ce marché qui est à situer de prime abord.
En tant que bien public des plus anciens, Souk-Larva est situé à la sortie Ouest de Béni-Douala-Centre. Au site dit : Ighil-Hamou. Plus exactement, en contrebas de la route carrossable, ou la « départementale » menant à Tizi-Ouzou : chef-lieu de wilaya. L’entrée principale du marché donne directement sur cette route, permettant l’accès des charrettes et autres véhicules de transport de marchandises. Ainsi une fois rempli, ce marché qui ressemble tant soit peu au grand bazar à ciel ouvert.
Toutes sortes de transactions commerciales s’y mènent de bon aloi et à bonne allure. Notamment les achats, les ventes, les trocs, les échanges, et autres. Voire en tout et tout partout : le bétail, les marchandises, les produits agricoles, les produits manufacturés, et autres. Surtout les produits locaux et la production nationale au mieux prédominants.
D’une saison à l’autre, les étalages se différencient. Les offres s’harmonisent selon la disponibilité et la demande. Pour lesquels les clients affluent massivement. De même qu’au fil des ans, le marché qui évolue au gré des changements, voire de l’évolution. Ainsi force nous est de focaliser une époque bien précise. A juste titre, une époque quelque peu lointaine où le marché n’était qu’une simple plate-forme, assez spacieuse néanmoins, et délimité par une clôture grillagée. Qui plus est, l’animation et l’ambiance s’avéraient ferventes.
A cette époque, les gens affluaient tant plus avec des baudets bien chargés et d’autres baudets à bien charger. D’autre encore avec des paniers bien remplis, et d’autres, avec des paniers vides à remplir. Et le marché, dans sa simplicité et sa rusticité, qui reçoit tout son monde pour l’accomplissement de sa noble mission.
Dès l’entrée, c’est le commencement des étalages en double rangée, séparée par une allée assez large et assez longue. Cette allée permet la circulation libre des clients, des charrettes et d’autres « transports » de marchandises. A l’autre bout de l’entrée, s’étale la plate-forme en pente douce, avec sa panoplie de « stands » conventionnels, ordonnés pareillement en rangées espacées. Et l’aperçu global nuancé de l’aspect ordinaire à l’aspect commode.
Comme aspect ordinaire, un baluchon simple ou précaire étalé à même le sol. Pour le reste, sans ordre établi, des établis de fortune, couverts de nappes ; des tables pliantes surmontées d’une toiture démontable ; un ou deux véhicules, avec des haut-parleurs posés au porte-bagages, dont les chauffeurs en même temps commerçants font leur réclame en tenant des micros. Outre d’autres types d’étalages, ces cas d’exception.
En premier, l’aménagement réalisé tout en dur dont des paillasses alignées, surmontées d’une toiture posée sur piliers. Cet aménagement départagé en box est destiné exclusivement pour l’arsenal de la boucherie. En second, l’espace vacant réservé pour la vente du bétail, y compris d’autres emplacements réservés aux petits métiers traditionnels. Telle en est la structure synoptique du souk. En partie, avec les aménagements ordonnés et alignés. En partie, avec les espaces et les emplacements disparates. Et tous soumis communément aux droits de taxe, prélevés par l’agent communal en circulation.
Les étalages en produits et marchandises s’accommodent au mode de vie rurale et campagnarde. En l’occurrence, l’indispensable disponibilité répondant au mieux aux besoins et services des clients. Tant plus pour le travail de la terre, les activités domestiques, la subsistance, ainsi du reste. Sans détailler le tout, nous allons nous focaliser sur ces aperçus reflétant l’aspect rustique et l’aspect artisanal. Pour ce faire, parcourons le marché en visite guidée.
Le marché est caractéristique de par la présence d’artisans exerçant leurs petits métiers. Offrant leurs services pour leur habituelle clientèle. Parmi eux le maréchal ferrant, le raccommodeur de bâts et de selles, le rémouleur, le barbier, le cordonnier, et parfois, le troubadour offrant de ses spectacles divertissants. Excepté ce dernier, les artisans occupent chacun une petite place. Disposant comme commodités d’un tabouret, d’une table basse, y compris les outils de travail. Et tous qui ne chôment point, à les voir tout absorbés dans leurs activités.
Au coin de vente exclusif au bétail, l’espace est conséquent compte-tenu de l’encombrement et de l’activité. Notamment pour les ventes ovine, bovine et chevaline. A proximité, le commerce suppléant et florissant, correspondant à la vente des bâts, des brides, des selles, des paniers doubles, des étriers, des mors, des licous, des cache-mamelles pour les chèvres et les brebis, etc. Ainsi, le client traité en roi qui est servi avec tout un embarras du choix !
Parcours faisant, nous voilà au « stand » conventionnel agricole, garni d’outils, d’articles et autre matériel approprié. Toute une variété sinon une diversité constituent de riches étalages, à la grande satisfaction des clients. Ce type de commerce - ça va de soit, marche bien dans la région où le travail de la terre est prépondérant. Les clients que sont les paysans et les fellahs y trouvent ce dont ils ont besoin. Pour ne pas dire tout, tant il est difficile de déceler ce qui peut bien manquer. Les faucilles, les hachettes, les scies, les fourches, les sécateurs, et d’autres outils aiguisés ou pas en sont là disponibles. Encore que convenant à toutes les bourses de par la panoplie des prix.
Tout à coté, c’est le « stand » exclusif pour la chaussure et l’habillement. D’une présentation attrayante et attirante pour la gente masculine, exclusivement. Dont les hommes et les enfants qui trouvent, tout à leur taille, les gandouras, les burnous au teint blanc, les burnous au teint terreux, les Djellabas, les chèches, les chéchias, les passe-montagnes, les cannes classiques, les cannes de luxe à pommeau d’argent, etc. Comme chaussures, tout à leur pointure, les bottes en caoutchouc, les galoches, les pataugas, les espadrilles, les pantoufles, y compris les chaussures de luxe.
Voilà donc pour notre visite spécifique aux étalages et aux expositions. Comme on pourrait le constater, tout n’a pas été dit. Un bon nombre de stands omis tout exprès, parmi eux, ceux des fruits et légumes, de la boucherie, des cosmétiques, des produits manufacturés, etc. Ainsi pour si peu de temps et d’espace qui nous restent pour notre article, cette suite alors en tant qu’aperçu succinct, à savoir : l’esprit moral régnant au marché.
Un tel aperçu est l’image typiquement kabyle. Et ce, à n’entendre que des débats, des discussions, y compris les marchandages, formulés en langage 100 % kabyle et 100% masculin.
Les gens se côtoient au mieux, faisant leurs affaires dans la bonne entente et la négociation. Formulant en langage kabyle, coulant de leur bouche comme une eau de source. Et leurs affaires engagées qui se négocient implicitement avant d’être conclues. Telle une clé de voute, il est rare que la remise soit omise ; bien au contraire, elle est tentée pour être fort gagnant. Cela, à la « marathonienne » entre les rivaux que sont le vendeur et l’acheteur. Tous deux redoutables sinon chevronnés. Où chacun défend ses intérêts en usant de ses propres atouts, en vue de convaincre. Un fervent duel s’établit avec l’attitude respectable. Pour changer de tactique, l’un d’eux qui attaque par d’irréfutables inconvénients et l’autre qui se défend par des arguments poignants. Tout un ballotage entre les « pour » et les « contre » s’égrenant pour l’unique et même but qu’est : le gain de cause. C'est-à-dire : le droit à la remise ou pas. Et mieux que tout, ce coté plaisant sinon amusant pour qui suivrait la confrontation, le marchandage durant.
Les formules ou locutions proverbiales locales, parmi elles, celles qui s’y prêtent au rire, s’évoquent en guise d’appuis sinon de preuves à l’appui. A titre d’exemples, ce bric-à-brac tout en vrac : Tavra tmatutiw ar… (Que mon épouse soit répudiée que…) - Aywah !?... Ats-frah Malha-w aâzizen… (Alors là !?... elle sera bien contente ma Malha, mon (épouse) adorée…) - Syixef b’arawiw ma-yella… (Sur la tête de mes enfants, au cas où...). - Adisvad Rebbi felli lakdev aken isvedh igueni af tmurt… (Que Dieu m’éloigne du mensonge autant qu’Il éloigna le Ciel de la Terre…). Ainsi du reste.
Ces tours de passe-passe formels par intérêt de l’habitude finissent souvent en arrangements concluants. A l’amiable et selon l’accord ou l’entente équitables. Tant le sérieux et la bonne intention ont été crédibles dès le départ. D’où ce moment venu pour évoquer cet autre aspect. Non point matériel, non point moral, mais illustrant pourrait-on dire l’austérité dans le comportement. Et comme exemple, ce moment opportun de toucher à la bourse, avec austérité par l’un des vieux paysans.
Inexorablement, sa main s’enfonce dans la poche intérieure de la gandoura. D’où est enfoui le fameux portefeuille au précieux trésor. Qui mieux est, si bien ficelée pour doubler ou tripler la sécurité. D’un geste plutôt lent que leste, le vieux déroule prudemment la ficelle de son portefeuille. Après quoi, il l’ouvre et soutire pièce par pièce chacun des sous. Et si besoin est, les billets de banque, ou l’argent en assignats. Au moment d’en compter le montant de la redevance, là encore, vigilance accrue oblige ! Comme fait le vendeur Mozabite d’étoffe, de qui dit-on : « il refait dix fois la même mesure avant de couper une fois au ciseau », c’est ainsi que procède l’austère vieux pour son argent, le comptage durant. C'est-à-dire : compté et recompté avec maintes vérifications, et ce, pour avoir le cœur bien net. En s’acquittant du paiement, le portefeuille se remet en bonne et due forme à la même poche. Précieusement côté cœur, contrairement à ceux qui placent leur portefeuille négligemment derrière la fesse. Ainsi en sont infaillibles nos paysans question sous ! Qui mieux est, avançant pour qui souhaiterait profiter ce sage conseil : « Les sous en sont difficiles à gagner mais faciles à dépenser ! » (Idrimen waren iw-sawar, sahlan iw-saraf !)
Passée la mi-journée, Imsawqen se retrouvent quasiment servis. Pour leur part, Tsujjar en ont écoulé au mieux leurs marchandises. Avec fort soulagement et forte satisfaction mutuellement. Dès lors le marché se vide, et la plate-forme animée et bourdonnante qui redevient progressivement calme et silencieuse. Peu après, c’est l’arrivée les agents du cadastre pour s’occuper du nettoyage, y compris la remise en parfait ordre.
Voilà donc pour ce qui est des ouvertures régulières de Souk-Larva. Seul nous reste à évoquer les cas exceptionnels d’ouverture.
Aux jours de fêtes que sont l’Aïdh-Tamezian’t et l’Aïdh-Tamoqran’t (respectivement : l’Aïd-Seghir et l’Aïd-Kebir) Souk-Larva s’ouvre immanquablement. En raison de l’heureuse tradition, nommément : Tasawiqt. Succinctement, les enfants s’en vont au marché, accompagnés d’un parent ou d’un proche. Brillants comme des lustres dans leurs habits neufs, avec même quelques sous en poche. En arrivant, Souk-Larva leur offre l’opportunité pour la joie et le bonheur sans bornes. Ces chérubins, face à l’embarras du choix en jouets et friandises, en achètent jusqu’à leurs derniers sous. Ces jours de fêtes en sont pour eux une mine en beaux souvenirs. De ces souvenirs qui demeurent gravés à jamais en leurs mémoires. Tant la plénitude en est au mieux atteinte en joie, en bonheur et en satisfaction.
Voilà tout pour Souk_Larva en cette époque d’antan.
Pour l’heure, qu’en est-il comme nouveau constat pour celui-ci !?
A dire vrai, les temps ont beaucoup changé. Avec des évolutions heureusement. Mais aussi, avec quelques inconvénients malheureusement. Et comme inconvénients des plus troublants à évoquer, sans nul doute tous ces produits et articles d’importation ayant fait disparaitre totalement ou presque la production nationale. Telle une nébuleuse dévastatrice. Mis à part les produits agricoles, les produits locaux en sont quasiment annulés et remplacés par les produits importés. Tant la « Turquie », la « Chine », la « Taiwan » et d’autres pays exportateurs qui en sont là, s’imposant en force ! A le dire avec regret : Le « Made in Algeria » il faut vraiment le chercher… ce fameux introuvable !? D’où cet amer constat qui a le sens d’une sonnette d’alarme. A tirer absolument !?
… Enfin, comme il ne faut guère perdre l’espoir, espérons donc que l’avenir réservera pour le marché national, y compris notre petit marché, des temps bien meilleurs en production nationale. Puisse Dieu !
TANMIRT U NA-JAKUN DI-LAHNA !
..................................................................................
TRES PROCHAINEMENT INCH’ALLAH : Notre thème (article) au titre : LASTAD-LARVA. Un terrain de sport digne de petit stade, où la caste juvénile s’y adonne à cœur joie pour des matchs amicaux de football, y compris les matchs organisés pour la coupe inter villages. ATTENDEZ-NOUS !

Aucun commentaire: