vendredi 18 septembre 2015

El hadj El hocine Imaren Immoune


 Kechad Rachid

El hadj El hocine Imaren Immoune


L’opération de circoncision organisée avec brio par l’AA.JAB (Association d’Animation de la Jeunesse d’Ait Bouyahia), au profit de quarante quatre (44) enfants en ce fin du mois d’aout 2015, a ressurgi en moi un souvenir enfantin et mémorable qui, pour moi ,est une belle raison pour vous faire voyager dans le cœur du passé pour mettre en relief les vertus de l’un des hommes illustres du village , qui à mon sens, mérite amplement d’être connu par tous. Il était un homme discret qui a su donner à son existence un sens utile, en mettant son savoir faire (tamusni), sans préjugés et sans prétentions aucune, au profit de ses semblables.
Les personnes dont l’âge dépasse aujourd’hui la cinquantaine, ont tous, en mémoire la souvenance de cet homme sans égal, dont la réputation demeure ineffaçable comme une épitaphe. Les villageois qui le connaissent ou qui ont entendu parler de lui, ne tarissent pas d’éloges en reconnaissance à ses innombrables services qu’il a accomplis durant une longue partie de sa vie, inscrivant ainsi, son nom en lettres d’or, dans l’histoire du village. 
La lutte contre l’oubli, la recherche des faits de nos ancêtres et des lieux dont ils ont été acteurs ou témoins est un devoir commun, indispensable pour perpétuer la transmission de notre histoire aux générations actuelles et futures. Dans le même ordre d’idée, je vous amène cette fois-ci du coté de « Louvair »un lieu luxuriant et paisible, situé à peu prés à mi-chemin entre lakhmiss et Takarbouzth, pour élucider la grandeur d’un personnage connu pour certains et méconnu pour d’autres et, de dévoiler les grands actes qu’il a rendus de façon sincère à la communauté villageoise. 
Sans trop tarder, il s’agit d’El hadj El hocine Imaren Immoune, fils de Mouh’dh Imaren et de Hamadane Yamina, fille de Ali Iouachikhen.
À l’instar des autres familles du village, touché par les affres de la faim, il a commencé à s’intéresser en étant enfant, à la peine du travail de la terre pour subvenir aux besoins multiples les plus élémentaires de sa famille. 
Le travail de la terre est peu rentable à cette époque, dans l’objectif d’améliorer sa situation sociale, il part en France en 1910, à l’âge de 19 ans, où il a exercé avec maitrise et art le métier de maçonnerie dans plusieurs chantiers. Quelques années plus tard, vers la fin de la première guerre mondiale, plus exactement 1918, il retourna au village pour se consacrer à nouveau, au travail de la terre et à son métier de prédilection qui est la maçonnerie et la menuiserie « anadjer Na’nchir » (Artisan menuisier). A titre d’illustration, l’épicerie de Moh Tahar Na’Said Oul Hadj Hessas, située en plein centre de Lakhmiss, appelée habituellement « Thahanouts Tahar El hocine » est l’un des exemples typique des belles constructions réalisées, par la force des bras de cet homme. 
Quelques mois après son retour de France, il fonda un foyer une première fois avec une femme originaire du village D’Ait El hadj. Quelques mois après le mariage, il se sépare d’elle pour épouser en seconde noces, KemKem Djouher avec laquelle il a eu en 1920 le grand Moudjahid Mohamed El Hocine Imarene Immoune. 
Après le décès de celle-ci, en 1931, naquit moh Oubelkacem suite à son troisième mariage célébré avec Immoune Sadia avec qui, il a vécu quelques années seulement. Après sa séparation de cette dernière, il se remarie l’année d’après pour la quatrième fois, avec Labane Sadia. 
En marge du métier de maçon qu’il exécute à merveille, il était arracheur de dents: Itsak'sed thughmass, soigneur des entorses et luxations: I-jebber alagh’zem et la pratique de la circoncision traditionnelle où, tous les garçons nés à partir de 1949 jusqu’à la fin des années 1960 ont été tous circoncis par les mains de cet artiste.
En général, El Hadj El Hocine se déplace sur rendez-vous, à domicile du bambin où les parents, les cousins et les oncles de l'enfant à circoncire le reçoivent au seuil de la porte avec respect et considération. Les cris de l’enfant n'ont aucun effet sur les faits et gestes du praticien de la circoncision. Sans perdre du temps et sous couvert de youyous intermittents et de chants religieux, on contrôle bien le petit pour maitriser ses mouvements et, on le présente les jambes écartées à Vava El hadj. En homme malin, il demande à l’enfant de regarder l’oiseau qui vole au-dessus de la maison , en un clin d’œil et d’un geste net, précis, concis et ajusté par l'habitude, coupe le prépuce par une lame de rasoir de barbier, traite la coupure et remet le garçon à sa grand-mère paternelle qui le remettra à l’instant même à sa maman, qui va s'efforcer à le calmer à coup de caresses et de promesses d'aller fouetter la méchante guêpe à coups de bâton. 
Dès la fin de l’acte, les instruments et accessoires disparaissent comme par magie pour donner place au plateau de thé aux beignets et à l’omelette Kabyle sucrée (Tahboult n'Tmelaline) ou "Lamssemen" que les présents savourent en discutant de tout et de rien, en attendant que l'enfant cesse de hurler et, qu'il ait pris une tisane pour le faire endormir sur le lit préparé à cette occasion. Pendant ce temps, s’élève le chant (D’ker) mélodieux des femmes, une véritable ambiance de fête et de joie règne dans la maison familiale. 
Avant de partir, Vava El hadj opère une vérification systématique pour s'assurer qu'il n'y a pas de veine qui coule. Ce n'est qu'à la sortie qu'on lui mettait discrètement à la main une somme en guise de remerciement, dont il ne vérifie jamais l'importance, sans omettre bien entendu, de l'inviter pour le repas du soir. Il ne s'en va qu'après avoir récité des prières pour un prompt rétablissement du petit garçon et la prospérité de la famille.
Sa notoriété dépasse largement les frontières du village, de part sa maitrise du métier, fréquemment, il est sollicité pour exécuter la même tâche dans les autres villages avoisinants. Compte tenu de l’absence de moyens de transport automobile à cette époque, ses déplacements en dehors du village, sont régulièrement effectués par son incontournable baudet adaptés à la vie rustique et aux sentiers escarpés. Un animal fort et docile, qu’il chouchoute et veille à son entretien pour le maintenir en bonne santé. Comme disait le dicton : Faut semer, pour récolter. 
Parvenu désormais à sa pleine maturité et de part son intégrité et son honnêteté, il fut désigné par le comité du village par deux fois en qualité de « loukil », une première fois en 1946 et une seconde fois en 1956, pour s’en occuper bénévolement de la gestion du mausolée d’Akkal Aberkane, un lieu saint, propriété collective du village d’Ait Bouyahia.
En homme pieux, attaché aux percepts de la religion musulmane, probablement en 1964 à l’âge de 73 ans, il se rend à la Mecque pour effectuer le grand pèlerinage.
Affaiblit quelque part par l’âge, chez lui, à la maison, il consacre une bonne partie de son temps aux travaux de bricolage et de jardinage. Derrière sa maison, une clôture est dressée tout au tour de sa propriété pour qu’aucun intrus ne peut s’introduire et, de la mettre à l’abri des animaux, particulièrement des sangliers. Un jardin de moyenne superficie, régulièrement entretenu, dans lequel il a planté plusieurs arbres fruitiers notamment les cerisiers, les rosiers parfumés de différentes variétés et de couleurs (blanc, jaune et le rouge foncé). En effet, il suffit juste de contempler son jardin orné de fleurs multicolores pour se rendre compte de ses gouts et l’amour qu’il accorde aux plantes, au jardinage, bref à la nature tout court. Et oui, La beauté de son jardin verdoyant procure inéluctablement un plaisir et un régal assuré pour les yeux, s’exclame un ami. 
La maladie contre laquelle il s’est battu avec beaucoup de courage depuis des mois, a fini par l’emporter en 1974 à l’âge de 83 ans. Le jour de son enterrement, tout le village et tous les gens des villages de la commune ayant eu l’information de son décès étaient en deuil. Les témoignages de sympathie et d’estime des gens affluent par dizaines pour saluer d’une même voix cet homme hors du commun.
L’âge réel de la personne ne se mesure pas par le nombre d’années vécues, de sa naissance jusqu’à sa mort, mais plutôt, l’âge réel de la personne se mesure par combien la personne a laissé et légué de bonnes œuvres. Et seules, les bonnes actions font prolonger les âges. 
Autant dire que sa notoriété et son action ont fait de lui l’un des hommes les plus respectées du village. Il a su donner un sens concret, utile à sa vie. 
Certes le corps de Vava el Hadj El Hocine habite la tombe, ses œuvres par contre, restent et resteront en notre mémoire comme l'âme vivante qui brille de par ses incalculables services. Repose en paix, wa Kirham Rebbi. Merci.
Nota bene : Merci I chikh Amar Kab de m’avoir fourni quelques renseignements précieux.

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