Malik Kerfi, Kouceila Kab et Himeur Ghani ont répondu aimablement à une série de questions sur le village, l’immigration et leurs vies à l’étranger :
Malik : vous êtes ici au Canada depuis janvier 2008 (à paris depuis 2002)
Kouceila : vous êtes ici à Palma de Mallorca (Espagne) depuis 1an et demi
Ghani : Je suis à Montréal depuis février 2000, mais j’ai quitté réellement le pays en janvier 1995.
Question 2 : pourquoi avez-vous choisi ici qu’ailleurs?
Malik : Les valeurs du canada, chercher un avenir meilleur, être dans son élément. J’ai déjà vécu cinq ans à Paris et contrairement à beaucoup je préfère Montréal.
Kouceila : Parce qu’au début je n’avais pas le choix pour mes papiers.
Ghani : D’abord pour la simplicité da la démarche d’immigration. On dépose une demande de sélection et on est sûr que si tout va bien la démarche se concrétise. Il faut dire que les échos que j’ai eus des gens qui étaient déjà installés ici étaient plutôt favorables. Donc, devant la vie qui était intenable durant les années 90 en Algérie, je pense que le choix d’immigrer était évident.
Question 3 : l’étranger et l’Algérie quelle comparaison?
Malik : J’ai toujours eu peur de monter dans avion vers Alger. À chaque fois que je monte, j’ai le cœur serré. Ai- je répondu à ta question?
Kouceila : Je ne sais quoi répondre. L’étranger a de bonnes choses, mais de mauvaises aussi. L’Algérie, on ne l’oubliera pas parce que c’est notre pays et l’on l’aimera pour toujours.
Ghani : Pas possible de faire une comparaison en quelques lignes.
Mai je dirais « la notion du temps ». Ici on est bousculé par le temps et là-bas on prend le temps J
Yasmina Khadra avait dit dans son dernier roman « Ce que le jour doit à la nuit » : en occident le temps est de l’argent, mais en Orient et dans les pays du Sud le temps n’a pas de prix.
Question 4 : une nostalgie du village ?
Malik : Je dirais non, même si des fois je y pense. Mais en général, je ne suis pas nostalgique.
Une chose me manque vraiment : le petit café que je prenais souvent le matin avec ma mère. Et puis, Paris aussi me manque.
Kouceila : Une grande nostalgie
Ghani : Sans être particulièrement nostalgique, je dirais que je garde de bons souvenirs des charmes des fins de journées de printemps et d’été à El Khemis.
Question 5 : qu'est-ce qui vous manque en ce moment?
Malik : Mes parents, ma sœur, mes frères, mes nièces et mes neveux. Les amis, je ne sais pas s’ils me restent au village.
Kouceila : Les amis, la famille, les gens que je connais, un café chez Fennac.
Ghani : Avec le printemps froid et pluvieux que nous venons de connaître ici, je dirai un vrai beau printemps de chez nous : les paysages fleuris et les différents parfums de la nature.
Question 6 : nos grands-parents et nos parents ont immigré et nous aussi, quelles différences?
Malik : Nos parents et grands-parents se sont immigré « temporairement », ils avaient toujours l’idée d’y retourner, ils n’ont jamais quitté le village. Par contre, notre génération à priori part « définitivement ».
Kouceila : Les temps ont changé, on nous demande aujourd'hui, je pense, plus qu’on a demandé à nos grands-parents : l’intégration totale.
Ghani : Toute une différence. D'abord, nos parents immigraient tous seuls et laissaient femmes et enfants au Bled, contrairement à notre immigration qui se fait avec épouses et enfants. En suite, nos parents partaient pour revenir, alors que dans notre cas, c’est généralement des départs définitifs.
Question 7 : Thala-Iguefrene, thiliwa, la piste, ldjama-bwada, lkahwa bwada …etc. quels souvenirs?
Racontez-moi?
Malik : J’en ai plein, pour la prochaine entrevue, peut-être…
Kouceila : Ça me manque terriblement, un tour par la piste et descendre à thala-iguefrene, boire un peu d’eau avec des amis, aller s’allonger a ldjama bwaba raconter des blagues : c’est merveilleux, un rêve.
Ghani : Je dirai Thiliwa et la vue magnifique qu’elles offrent et les quelques cerisiers d’en bas (mais pas de souvenirs particuliers.
Question 8 : les amis et la famille au village, quelle relation?
Malik : Ces dernières années, mes relations au village se limitent essentiellement aux coups de téléphone. Certes, j’appelle souvent mes parents, mais des fois je me sens très éloigné, est-ce juste un simple sentiment? Je ne peux pas te répondre.
Concernant les amis, lesquels? Je t’ai dit qu’il ne me reste pas beaucoup au village.
J’ai gardé le contact avec ceux qui se sont passés au mode informatique (courriel)…
J’essaie en tout cas de me renseigner et de prendre de leurs nouvelles.
Kouceila : Cette relation sera toujours et éternelle, on ne les oubliera jamais.
Ghani : Les amis d’enfance ont tous déserté le village en quête de travail et de vie meilleure ailleurs. Lors des très courtes visites de ces dernières années, je n’ai pas croisé grand monde.
Question 9 : le village à t-il changé depuis votre départ?
Malik : Peut-être c’est nous qui nous sommes changés, non?
Je te dirais que je ne sais pas. Sur une période de sept ans, je n’ai été que deux fois et juste pour dix jours. Et en dix jours on y voit rien.
Kouceila : Je ne suis jamais retourné depuis presque 2 ans.
Ghani : Oui définitivement. Mais nous aussi avons changé. J’ai l’impression qu’il n’y a plus la convivialité d’antan. En plus, ces dernières années, il y a eu l’apparition des rites, accoutrements masculin et féminin étrangers notre culture.
Toutefois, il y a un changement positif à signaler et qui est lié aux différents aménagements des routes, pistes, sentiers…etc.
Question 10 : les jeunes du village et vous, que pensez-vous?
Malik : Il en reste encore au village? Ah bon?
Je dirais alors : beaucoup de compétences, beaucoup de volontés et surement quelques dons, mais aucun encadrement.
Kouceila : Je ne sais pas, je suis en contact avec certains, mais pas avec d’autres.
Ghani : J’ai une pensée particulière pour ces jeunes qui sont restés là-bas et qui font face aux différents vides qui les entourent!
Question 11 : l’ASCAB, les associations, la vie à Ait-Bouyahia, comment voyez-vous tout ça de loin?
Malik : Reste beaucoup à faire. Investir plutôt dans des actions porteuses (l’éducation, l’apprentissage...) et ne pas se baser seulement sur le football. Laisser les dons surgir…
Kouceila : Ça me manque.
Ghani : La sérénité de la vie dans tous les villages de Kabylie est de plus en plus bousculée par le rythme imposé par le la quête du matériel.
Question 12 : quel projet vous tient-il à cœur? (en relation avec le village)
Malik : Je dirai le parrainage scolaire en premier, auquel je m’adhère à fond.
Kouceila : Retourner un jour et voir ce que je peux faire.
Ghani : Le parrainage scolaire des enfants de familles démunies. Une action simple, mais ô combien bénéfique rien que par le massage et le signal qu’elle donne.
Question 13 : racontez-moi votre meilleur souvenir au village.
Malik : Oups! J’ai un trou de mémoire, je me souviens plus ou j’ai trop de souvenirs.
Kouceila : Thimechret
Ghani : Timecret et Tasewiqt de l’aid et toute la fébrilité qui va avec.
Question 14 : Que pensez-vous du blog (www.ait-bouyahia.com) ?
Malik : Je dirai que le site est une très belle fenêtre sur le village. J’espère qu’elle l’est aussi du village vers les autres coins du monde.
Kamel l’a commencé avec quelques photos et il a pris une place dans les favoris de mon ordinateur. Je le consulte chaque jour si ce n’est plusieurs fois la journée.
Kouceila : Bien et j’espère que cela continuera.
Ghani : Un blog bien fait et qui peut devenir un riche site interactif.
Question 15 : aimeriez-vous être cet été À AIT-BOUYAHIA pour voir un match de l’ASCAB?
Malik : J’y serai si n’y a pas aghobar (poussière).
Je rentre cet été, mais regarder un match, je ne sais pas. Tout de suite, je dirai non, mais on verra.
Kouceila : Oui, je le veux bien.
Ghani : Je ne pense pas. Je trouve stupides les échauffourées qui éclatent entre les villageois à cause d’un banal match de foot.
VOTRE MOT DE LA FIN ET VOS SUGGESTIONS :
Malik : J’ai une suggestion, mais je ne sais pas si elle est réalisable : avoir une journée par mois, par trois ou six mois pour prendre un verre ensemble, le maximum de gens, pour se revoir.
Kouceila : Merci pour tout, cela me fait chaud au cœur.
Ghani : Tannemirt pour ton initiative Kamel. Espérons que le site devienne un lien entre tous les enfants du village dans la diaspora.
MERCI D’AVOIR RÉPONDU ET BON COURAGE
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